Plateforme Logement des Mouvements Sociaux


Plateforme Logement des Mouvements Sociaux.

Le 12 mars 2011, nous étions des milliers, à l’appel de 37 organisations, mobilisés dans plus de 30 villes en France pour manifester contre la reprise des expulsions, les loyers chers et pour la production massive de vrais logements sociaux. Depuis la situation s’est encore dégradée et les expulsions de logement ont repris, jetant des familles à la rue, souvent sans même une solution d’hébergement puisque le nombre de nuits en prise en charge hôtelière a considérablement baissé, jusqu’à être réduite de moitié dans certains départements.

A l’entrée de la campagne électorale, qu’en est-il des 3.6 millions de personnes pas ou mal logées, des 4,4 millions de locataires HLM, des locataires et accédant modestes accablés par la cherté des loyers, des charges et de l’immobilier, de la majorité de la population qui a du mal face à la cherté du logement et la précarisation de ses habitants?

84 % des Français jugent insuffisante l’action des responsables politiques en matière de logement, pourtant cette question cruciale n’est pas une priorité dans la plupart les programmes électoraux pour la présidentielle.

Un contexte de grande précarité et d’inégalités sociales grandissantes.
_ Depuis plusieurs années, la situation financière de la majorité de la population se dégrade. D’après l’INSEE, le moral des Français est en berne.

Une hausse des inégalités sociales et de la pauvreté, du chômage et de la précarité.
_ Aujourd’hui, la France compte plus de 8 millions de pauvres, soit 14% de la population. L’écart entre les plus riches et les plus pauvres, se creuse. Le niveau de vie des 10% les plus pauvres n’a augmenté que de 13.7% entre 1998 et 2008, soit un gain de 970 euros, alors que celui des 10% les plus riches a augmenté de 27.3 %, c’est à dire de 11 530 euros. Entre 2004 et 2008, les revenus des 0.01% les plus riches a augmenté de 33%, soit une hausse de revenus de 180 400 euros.

Avec la crise, les plans de licenciements massifs ont repris. Au deuxième trimestre 2011, 9.6% de la population active est au chômage. On compte 1.9 millions de travailleurs pauvres et le taux de précarité est passé entre 1984 et 2007 de 5.2 à 12.4.

Enfants, Jeunes, femmes, senior, handicapés et migrants sont particulièrement touchés.
_ Les moins de 30 ans représentent à eux seuls la moitié des personnes pauvres, le taux de pauvreté chez les 18 à 29 ans ne vivant pas chez leur parents est 17% pour 13% en moyenne de la population. Les personnes de plus de 75 ans ont vu leur niveau de vie baisser entre 1996 et 2008.

Au delà de l’âge, les femmes sont davantage touchées par la pauvreté que les hommes, leur taux de pauvreté est de 13.8% en 2008, celui des hommes de 12,2%. Enfin, les ménages immigrés ont un revenu de 24.8% inférieur à la moyenne nationale.

Se loger coûte plus cher.
_ Près d’un Français sur 5 éprouve des difficultés à payer son logement. Entre 2000 et 2010, tandis que le coût de la vie à augmenté de 20%, les loyers HLM sont en hausse de 29%, les loyers privés ont en moyenne augmenté de 42 % et ont flambé à la relocation et les prix de l’immobilier de 107% !

Jamais le logement n’a été aussi cher, et disproportionné au regard des revenus de la grande majorité de la population. Depuis 25 ans, le prix du logement a bondi. Les dépenses courantes de logement (regroupant loyer, énergie et charges) pour les résidences principales sont passées de 79 milliards d’euros en 1984 à 276 milliards en 2010.
Les dépenses liées au logement par rapport au revenu des ménages est en augmentation constante, il est est passé de 21.8% en 1984 à 33% en 2008, en moyenne. Pour les locataires du parc social, le taux d’effort médian pour le seul loyer est passé de 21.5% en 1996 à 30 %.

Hausse des expulsions, du mal logement, non respect des lois :

Plus de 100 000 jugements d’expulsion par an.
_ Dans ce contexte de logement cher et de baisse des revenus, les expulsions ont atteint un niveau record. Il y a eu 106 938 décisions de justice prononçant l’expulsion en 2009, soit une augmentation de plus d’un tiers en moins de 10 ans. Les expulsions par les forces de l’ordre ont, quant à elles, doublées en 2000 et 2009 pour dépasser les 10 000 expulsions par an. Depuis 2009, la loi Boutin a divisé par 3 les délais que le Juge d’exécution peut accorder, les limitant à un an. La précarisation du statut des occupants accélère également les expulsions.

Le retour du mal logement et des bidonvilles.
_ Depuis 2000, le mal-logement touche plus lourdement : 685 116 personnes sont privées de domicile personnel et plus de 8 millions sont en situation de mal logement ou de réelle fragilité à court ou moyen terme ; 1,2 millions de ménages sont en attente de logement social, pour environ 400 000 attributions annuelles ; en effet 62.1% des ménages sont éligibles à un logement social.

La loi DALO mal appliquée par l’État.
_ La loi sur le droit au logement opposable (DALO) avait pour but de remédier à cette situation, mais après plus trois ans, les résultats se font attendre. En décembre 2010, 59% des prioritaires n’étaient toujours pas relogés. Cette proportion monte à 70% en Île-de-France, où l’État bafoue le plus gravement la loi ; les régions PACA et Nord-Pas-de-Calais ne sont pas épargnées.

L’obligation d’accueil des personnes sans abris non respectée.
_ Depuis 2009, l’article L 345-2 et suivants du Code de l’action sociale et des Familles prévoit l’obligation d’accueil des personnes et familles sans abris. En France métropolitaine, dans la deuxième moitié des années 2000, 133 000 personnes étaient sans domicile, dont 33 000 en très grande difficulté, entre la rue et les dispositifs d’accueil d’urgence.

Malgré cela, en mai dernier, le gouvernement a annoncé un recul de 30% du budget du logement d’urgence en hôtel, soit une diminution de 5 000 places hôtelières chaque nuit pour le Samu Social. Ce sont de plus en plus de personnes, y compris de familles avec enfants, qui se retrouvent exclues des dispositifs d’hébergement d’urgence.

Des attaques contre le statut des locataires.
_ Depuis plusieurs années, les attaques contre les droits et la protection des locataires, entre autres définies par la loi de 1989 se multiplient. La loi MOLLE (loi Boutin de 2009) contient de sérieuses remises en cause. Pour les locataires HLM, le droit au maintien dans les lieux est attaqué ! Avec la multiplication des plans de rénovation urbaine et le « déplacement » des locataires, un locataire qui refuse 2 propositions de relogement peut être expulsé. La sous location se banalise.

Le parc locatif privé est particulièrement touché : sous location, baux de 3 mois et expulsion en hiver pour les « résidents temporaires », baux de 1 an (meublés), de 9 mois (étudiants), accélèrent la précarisation des locataires. Baux contre services rendus y compris des « services sexuels ».

Par ailleurs, les habitants qui font le choix d’un habitat léger, mobile ou éphémère (yourtes, caravanes, cabanes…) sont harcelés et ne sont que trop rarement reconnus et régularisés. Tandis que les Roms, les voyageurs, ou les habitants de camping à l’année sont marginalisés ou stigmatisés.

Et plus de 2 millions de logements vides.
_ Parallèlement à cette situation dramatique, en 2010, l’INSEE a recensé 2.12 millions de logement vides en France, un record en 1983 le nombre de logements vacants en France était de 1,88 millions, tandis que la loi de réquisition reste inappliquée !

Des politiques publiques régressives.

Malgré la crise et les difficultés grandissantes pour se loger, le gouvernement poursuit son offensive contre les droits des locataires et contre le logement social, mais il encourage l’endettement et la dépendance des accédants à l’égard des banques …

Une Privatisation rampante du logement social.
_ Le logement social, comme de nombreux autres secteurs, est en cours de privatisation. En 2003, la loi Borloo permet au MEDEF, et à des groupes financiers comme la Caisse d’épargne de prendre le contrôle des SA HLM (la moitié du parc). En 2009, la loi Boutin permet aux promoteurs de construire des logements sociaux, et leur ouvre la porte pour s’installer chez les bailleurs sociaux. Elle privatise l’autre moitié des bailleurs sociaux, les offices HLM, et les oblige à changer de statut.

Concernant les loyers, l’attaque est brutale, même si ses effets ne se font pas encore trop sentir. En 2004, les bailleurs obtiennent le droit de modifier les loyers et de les augmenter en fonction de l’emplacement et de la qualité du bâtiment. En 2009, cette possibilité devient obligatoire, ainsi que l’obligation de mettre en vente chaque année au moins 1% du patrimoine, et de définir un programme conséquent de démolition. La vente est censée pallier au désengagement de l’État en matière de financement des HLM

Le Désengagement financier de l’État.
_ Alors que la pénurie de logements est criante, le parc social ne progresse que de 1% par an, c’est-à-dire moins vite que l’ensemble du parc. Les subventions d’Etat dédiées à la réalisation de logements sociaux sont en baisse chaque année. Alors qu’elles étaient d’1 milliard il y a 10 ans, elles sont passées en 2011 à 200 millions d’euros, déduction faite de la taxe sur les locataires créée cette année.

Le livret A, via la collecte par la Poste et les Caisse d’Épargne, est centralisée par la Caisse des Dépôts et Consignations. Il finance depuis 60 ans sous forme de prêts bonifiés, la construction de logements sociaux . En 2008, sa distribution est « banalisée » c’est à dire généralisée à toutes les banques. Aujourd’hui, les banques ont obtenu de garder à leur profit 35% de l’épargne populaire, voire 40. Plus de 37 milliards d’euros issus des livrets A sont désormais dans les caisses des banques, sans contrepartie, ou plutôt dans les circuits financiers spéculatifs et dans les poches des traders, des banquiers et des actionnaires.

Les allocations logements baissent également, elles ont été réduites de 240 millions d’euros entre 2010 et 2011 ! L’État se désengage aussi de l’hébergement, les crédits alloués ne sont pas à la hauteur des besoins et de plus en plus de familles, d’enfants, de malades, de handicapés, de personnes âgées, de femmes, de salariés, se retrouvent à la rue sans même un hébergement décent, sans considération pour les souffrances qu’endurent les personnes à la rue.

Des maires continuent à bafouer impunément l’obligation de réaliser 20% de logements sociaux dans chaque commune, dans un délai de 20 ans. Entre 2002 et 2009, seules 50,3% des communes concernées par la loi SRU ont respecté les objectifs de financement de logements sociaux.

Au profit des bailleurs privés, des promoteurs et de l’illusion du tout propriétaire.
_ Depuis son élection, Nicolas Sarkozy tente de vendre « la France des propriétaires ». Ce slogan est un échec complet car jamais le logement n’a été aussi cher, les locataires sont en grande majorité moins riches que les propriétaires occupants, et les crises financières ont limité les capacités. Heureusement cette politique n’a pas abouti pour l’instant, car l’endettement immobilier des ménages modestes aurait tourné à la catastrophe, comme on l’a vu aux USA ou en Espagne.

Ce discours de « la France des propriétaires » a davantage pour objectif de satisfaire les investisseurs. Ainsi pour le budget 2011, 1,32 milliards de cadeaux fiscaux pour l’investissement locatif, 500 millions d’euros pour les prêts à taux zéros déplafonnés, et un total de 150 milliards de d’allègements fiscaux (niches fiscales) c’est l’aubaine pour les plus riches…

Ces dernières années, l’État n’a cessé d’encourager la spéculation, les hausses de loyers, les sous statuts locatifs ou les programmes de rénovation urbaine et de réhabilitation des quartiers qui font grimper les prix, et chassent les couches populaires.

Ces politiques, loin de garantir un logement stable et décent pour toutes et tous, encourage et enrichi les spéculateurs, maintien la cherté des loyers, et installe toujours davantage de personnes dans la précarité.


Revendications – Mesures d’urgence.

A – Des mesures d’urgence :
_ Face à l’augmentation du nombre de sans-abris, à la réduction drastique des budget d’hébergement, à la hausse des expulsions locatives, nous exigeons des mesures d’urgence, à effet immédiat :

-* 1. Un moratoire sur les expulsions locatives : il s’agit de suspendre toute expulsion locative en l’absence de relogement durable et décent.

-* 2. Le respect de l’obligation d’accueil immédiat, digne, adapté et inconditionnel de toute personne sans logis jusqu’à son relogement et le développement de l’inter-médiation locative à la place des hôtels jusqu’au relogement, conformément aux lois, et mobilisation des budgets publics nécessaires.

-* 3. L’application et l’amélioration de la loi de réquisition, sur les logements et locaux vacants depuis plus de six mois, appartenant à de grands propriétaires, sociétés et personnes physiques, à l’initiative de l’État et de collectivités territoriales. Créer une obligation de déclaration de vacance et tripler la taxe sur les logements vacants. Mise à disposition d’office des biens vacants du domaine public.

B – Contre le logement cher :
_ Le logement cher asphyxie le budget des ménages, encourage les profits rapides, et crée une rente indue et contraire à l’intérêt général. C’est pourquoi nous demandons des mesures qui amènent au plus vite à une baisse des loyers, des charges, et qui découragent les profiteurs et les spéculateurs

-* 4. Baisse et régulation des loyers dans le parc privé : baisse immédiate des loyers de 10% par un décret, et encadrement des niveaux de loyers à la relocation afin d’arriver à une baisse générale de 20%, dans un premier temps et dans l’objectif de revenir à un taux d’effort maximum de 20%.

-* 5. Baisse de 20% des charges et des prix de l’énergie, tout de suite, puis gel des hausses supérieures à l’inflation, et renforcement du tarif social pour permettre aux précaires, chômeurs et travailleurs pauvres de vivre décemment.

-* 6. Juguler la spéculation immobilière et foncière : Taxation des profits à la revente, arrêt de toutes les mesures de défiscalisation nouvelles et anciennes à l’investissement locatif non social, création de réserves foncières publiques notamment par préemption, en particulier sur les terrains devenant constructibles.

C – Un vrai logement social :
_ Les réformes se sont succédées depuis 2002, et sont en train de s’attaquer au cœur du logement social : par la baisse des financements, la dérégulation des loyers, la privatisation des statuts des bailleurs sociaux, les injonctions de vendre, de détruire … tandis que les loyers et les charges sont en forte hausse, et que la production de vrais logements sociaux reste insuffisante.

-* 7. Gel des loyers dans les HLM après une baisse immédiate, afin de revenir aux niveaux de loyers de 2000, compensé pour les bailleurs sociaux par la hausse des APL et des aides à la pierre, et la revalorisation du forfait charge dans les APL.

-* 8. Création nette de 150 000 logements sociaux par an (PLUS, PLAI) et instauration d’un suivi de la production par année de financement, afin de mettre en place une véritable transparence sur les logements sociaux (traçabilité de la production et du financement des logements sociaux).

-* 9. Le maintien intégral de la ressource du livret A, restitution à la Caisse des Dépôts et Consignations de l’épargne détournée à des fins spéculatives par les banques, afin de financer la réalisation des logements sociaux, et d’un programme massif de mise aux normes énergétiques des logements sociaux.

-* 10. Abroger toutes les mesures de marchandisation du logement social prises depuis 2002, et retour à la situation antérieure en supprimant :
-** les CUS (Convention d’utilité sociale), qui impose la vente massive des HLM, le renforcement de la démolition et de la spéculation sur les terrains nus, la dérégulation progressives des loyers HLM (conventionnement global de patrimoine),
-** l’instauration d’un actionnaire majoritaire dans les conseils d’administration des SA HLM, et la privatisation rapide des offices HLM (règles de comptabilités privées)
-** la délégation aux promoteurs de la réalisation des logements sociaux.

-* 11. Mettre en œuvre et renforcer la loi SRU:
-** Retirer la compétence des permis de construire aux communes qui ne respectent pas l’obligation de réaliser sur 20 ans 20% de logements sociaux,
-** Obligation d’atteindre dans chaque commune 25% de vrais logements sociaux par commune sur 20 ans.

-* 12. Créer un service public du logement et mobiliser les budgets publics nécessaires, pour mettre en œuvre ces dispositions

-* 13. Abroger la loi Boutin qui fait du logement une marchandise, qui accélère les expulsions locatives, qui précarise les locataires, qui retire le droit au relogement des habitants de taudis, qui réduit les moyens de financements du logement social , qui soutien la spéculation et l’exploitation des locataires.

D – Renforcer les droits des habitants :
_ Les habitants sont de plus en plus méprisés et considérés comme des marchandises : ils doivent être mobiles, c’est à dire être mis à la porte plus vite, les statuts locatifs se morcellent et de nombreux sous statuts font leur apparition. Pris en otages et exploités par les promoteurs, ils sont complètement exclus de l’élaboration des projets, et des logements .

-* 14. Réaffirmer et renforcer le droit des locataires à un logement stable et durable :
-** Interdiction des congés vente.
-** Suppression des sous statuts locatifs : meublé, locations touristiques dans les zones tendues, résident temporaire, location étudiante sur 9 mois, cohabitation contrainte …
-** Abrogation des mesures qui remettent en cause le droit au maintien dans les lieux des locataires HLM.
-** Renforcer le droit des locataires et de leurs représentants au sein des Conseils d’Administration et de concertation locative.

-* 15. Respect de la loi DALO par l’application de la loi de réquisition, le développement de intermédiation locative type « louer solidaire », et par la création d’une indemnisation des prioritaires DALO non relogés suffisante pour leur permettre de se loger en attendant un logement social.

-* 16. Droit à un logement décent : des mesures pour éradiquer les logements indignes, insalubres, toxiques (saturnisme infantile, amiante …) et ceux énergivore sans surcoût pour le locataire, prévoyant le relogement des occupants, quelque soit leur statut locatif.

-* 17. Création d’un statut pour l’habitat léger, mobile et économe, développer les « terrains familiaux », reloger les habitants de camping à l’année, les protéger de la précarité et de la surexploitation en attendant leur relogement ou si c’est un choix.

-* 18. Encourager les coopératives d’habitants, particulièrement les coopératives de locataires, et développer l’auto-production groupée de logements par les habitants, régulariser les maisons auto-construites et viabiliser les quartiers spontanés dans les DOM TOM.

Premiers Signataires :

CSF, DAL, CNL, ACDL, Advocacy, Bagagérue, CAHL 94, CAL, CGL 75 et national, CGT, CNAFAL, Copaf, Fondation Copernic, FSU, Jeudi Noir, Sud Logement Social, Sud Santé Sociaux, USP, Union Syndicale Solidaires, ATTAC, SAF, AC !…